Comme son étymologie le souligne, le dégoût se rattache fondamentalement à l’alimentation. Son origine serait de susciter un comportement de rejet protégeant le corps de l’ingestion d’aliments potentiellement toxiques(1). Mais, puisque les infections bactériennes et virales peuvent être transmises autrement que par ingestion, ce concept a rapidement été considéré comme une adaptation vers la prévention des maladies infectieuses en général.
Le dégoût serait donc originairement provoqué par des nourritures que le mangeur ne saurait ingérer du fait de raisons biologiques. Les recherches en psychologie et en sciences sociales montrent cependant que cette émotion est tout autant suscitée par des aliments que le mangeur ne saurait ingérer pour des raisons socioculturelles, sans réelles raisons biologiques. Et encore plus largement, elle s’applique hors du domaine alimentaire, à toute chose, événement ou objet qu’une personne peut ne pas apprécier du tout(1).

Tout cela se passe dans notre cerveau. Les neurosciences montrent que l’émotion du dégoût est corrélée, lors de la perception de stimuli dégoûtants (2,3), avec une forte activation de la partie antérieure du cortex insulaire, parfois en moins de 300 millisecondes (4). Ce même cortex insulaire antérieur est également fortement impliqué dans le traitement des sensations gustatives et olfactives. Des patients chez qui cette partie du cortex est lésée ont de réelles difficultés soit à ressentir du dégout (5), soit à reconnaître cette émotion exprimée sur le visage de quelqu’un d’autre !(6)

Notes et références
(1) Rozin P et al (2008). Disgust. In Handbook of emotions, 3rd ed. (pp. 757-776). New York : Guilford Press.
(2) Calder AJ et al (2007). Eur. J. Neurosci., 25(11), 3422-3428. Disponible ici.
(3) Wicker B et al (2003). Neuron, 40(3) :655-664. Disponible ici.
(4) Des mesures qui ont pu être effectuées par l’implantation d’électrodes directement dans les aires du cerveau, ici la partie ventrale de l’insula antérieure. Cette technique permet d’avoir une très bonne résolution temporelle de l’activation des neurones. Krolak‐Salmon P et al (2003). Ann. Neurol., 53(4), 446-453.
(5) Mitchell IJ et al (2005). J. Neuropsychiatry Clin. Neurosci., 17(1), 119-121. Disponible ici.
(6) Calder AJ et al (2000). Nat. Neurosci., 3(11), 1077. et Adolphs R et al (2003). Brain Cogn., 52(1), 61-69. Disponible ici.